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Conseil constitutionnel : les rémunérations des membres de nouveau critiquées

La rémunération des membres du Conseil constitutionnel ne respecte toujours pas les règles fixées par la loi, critique la députée LFI Marianne Maximi dans un rapport. La différence avec la base légale s’élèverait à « près de 8 500 euros ».

Conseil constitutionnel : les rémunérations des membres de nouveau critiquées
L’entrée du Conseil constitutionnel, à Paris, le 8 octobre 2025.

La députée Marianne Maximi (La France insoumise, Puy-de-Dôme) persiste et signe : les rémunérations des membres du Conseil constitutionnel ne sont toujours pas conformes au droit. Les juges constitutionnels « continuent d’être rémunérés au même niveau que le président de la République en dehors de toute base légale », critique-t-elle dans un rapport annexé au projet de loi de finances 2026. Selon ses calculs, les neuf juges constitutionnels devraient ainsi toucher 15 570 euros brut par mois en 2026. « Soit une différence de près de 8 500 euros avec ce que prévoit la loi », explique la rapporteuse pour avis des crédits alloués à l’institution.

L’alerte n’est pas nouvelle. Lors de l’examen du budget 2025, Marianne Maximi avait déjà pointé du doigt ces rémunérations. Sa contestation franchit un cap aujourd’hui, puisqu’elle est parvenue à faire adopter en commission des finances un amendement diminuant la dotation versée par l’Etat au Conseil constitutionnel « afin de ramener la rémunération de ses membres à 6 500 euros brut par mois ». Le montant légal à ses yeux. Pourquoi ne donneraient-ils pas l’exemple dans le contexte actuel d’austérité ?, abonde l’élue.

 

« Une nouvelle irrégularité »

Si son amendement a peu de chances de survivre au laborieux débat parlementaire, il vient surtout relancer le débat sur le niveau de rémunération Rue de Montpensier. Un régime toujours illégal, selon Mme Maximi, puisqu’il « ne respecte pas les règles fixées par le législateur ».

Tout remonte à 2001. Le président de l’institution de l’époque (2000-2004), Yves Guéna, avait alors obtenu de la part du gouvernement Jospin que l’intégralité de l’indemnité perçue par les membres du Conseil constitutionnel soit soumise à l’impôt sur le revenu. La moitié seulement l’était jusqu’à cette date. Réclamée après des années de contestation, l’abrogation de cette irrégularité fiscale avait ensuite été officialisée par une lettre de 2001 signée par la secrétaire d’Etat au budget d’alors, Florence Parly (2000-2002).

Cette lettre, néanmoins, n’a pas fait que cela. Pour compenser un éventuel manque à gagner, elle a aussi institué une indemnité complémentaire au bénéfice des sages. Et c’est bien là le souci, selon la professeure de droit public Elina Lemaire : « La lettre de 2001 a réglé le problème de la fiscalisation tout en provoquant une nouvelle irrégularité. » « Aucun membre du gouvernement n’a de compétence en la matière, ce qui rend illégale l’indemnité complémentaire octroyée », abonde cette membre de l’Observatoire de l’éthique publique, qui a levé le lièvre dès 2018.

Seul le Parlement est effectivement compétent pour fixer le régime indemnitaire des membres du conseil, régi par une ordonnance organique de 1958, texte qui constitue donc normalement le seul fondement juridique de la rémunération des sages, empêchant dès lors à l’exécutif de leur octroyer tout complément indemnitaire. Alors que cette ordonnance prévoit une indemnité équivalente aux traitements des plus hauts responsables de l’Etat, soit quelque 7 000 euros mensuels, les juges constitutionnels perçoivent aujourd’hui plus du double. Grâce, donc, en partie à la fameuse indemnité créée en 2001…

 

« Un héritage pas très brillant »

« Pour une institution qui est chargée de faire respecter la Constitution, c’est quand même très fâcheux d’être dans l’illégalité », reconnaît un ancien ponte du Conseil constitutionnel, en insistant sur le besoin de régulariser, « enfin », le régime de rémunération des sages : « La Rue de Montpensier traîne un héritage pénible et pas très brillant du début des années 2000. Si cela n’a pas posé de souci pendant plusieurs années, la donne a changé au vu de l’exposition actuelle de l’institution. »

Des régularisations ont malgré tout été récemment tentées. En 2020, par le gouvernement Philippe, avec son projet de réforme des retraites qui a finalement fait les frais de la crise sanitaire et de la contestation sociale. Puis, en 2021, par la députée socialiste de Saône-et-Loire Cécile Untermaier au travers d’une proposition de loi. Adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, celle-ci n’avait pas été discutée ensuite en séance publique.

« Je le regrette encore d’autant plus que le sujet faisait consensus », insiste l’ex-élue, en évoquant « un “pressing” en coulisse » pour ne pas voir prospérer son texte. Le président du conseil d’alors, Laurent Fabius (2016-2025), « s’inquiétait de ce dispositif de transparence », ajoute-t-elle. Le principal intéressé réfute : « Je n’ai poussé à rien du tout. »

Pour Elina Lemaire, « il en va surtout de l’indépendance de l’institution » : « Qu’une partie de la rémunération dépende toujours du gouvernement risque de poser un sérieux problème si arrive au pouvoir un parti extrémiste remettant en cause le Conseil constitutionnel. » « La rémunération de son président et de ses membres est historiquement alignée sur celle du vice-président du Conseil d’Etat et de ses présidents de section », réagit la Rue de Montpensier. Avant de renvoyer, sans surprise, à la séparation des pouvoirs concernant la base juridique des rémunérations en son sein : « Seul le Parlement est compétent pour la consolider. » Une réponse bien sage.

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Publié le 05/12/2025 ∙ Média de publication : Le Monde